Bénin : les Etudiants et leurs autorités doivent apprendre à s’entendre

Marie Odile Atanasso, Ministre des enseignements supérieurs et de la recherche scientifique du Bénin.

Cela remonte à très longtemps que les relations entre les Etudiants béninois et leurs autorités ne sont pas aux beaux fixes. Les autorités prennent des décisions qui, selon les Etudiants sont de nature oppressive et n’ayant que le seul but de leur rendre la vie difficile. Les autorités de leur côté assurent ne vouloir que le bien des Etudiants et de l’Etat en prenant des décisions pour le bien de tous. Nous sommes un peu dans la situation d’un parent et son enfant où le premier dit agir pour le bien du second et très souvent comme nous le savons tous, les enfants ne le voient pas de la même manière que leurs parents. Cette métaphore illustre peut-être assez bien notre contexte actuel. En nous appuyant là-dessus, on peut d’ores et déjà comprendre que le principal problème est de l’ordre de la communication entre les deux parties, comme justement c’est le cas souvent entre les parents et leurs enfants. Essayons donc de jeter un regard neutre sur le problème.

Les Etudiants faces à une politique d’austérité

Les conflits opposants les Etudiants à leurs autorités comme nous le soulignions au début de cet article, remontent à bien longtemps. La preuve en est que les conflits les plus violents et les plus récents remontent à l’ère du régime défunt de l’ancien président Yayi. A l’époque, les étudiants contre une décision des autorités, avaient décidés de protester, ce qui a dégénéré en de violentes altercations entre eux et les forces de l’ordre. Mais nous n’allons pas remonter jusqu’à ces événements, nous allons juste nous limiter aux faits marquants depuis la prise de fonctions du nouveau gouvernement. Pour son mandat, le président Talon s’est fixé plusieurs objectifs qu’il a regroupé dans un document intitulé Programme d’Action du Gouvernement (PAG). La réalisation de ce programme nécessite énormément de fonds, ce qui explique même le budget 2016-2017 qui a atteint le montant record de 2010 Milliards de FCFA. Evidemment l’exécution d’un tel budget doit forcément passer par une politique d’austérité. C’est ainsi que le gouvernement a pris plusieurs décisions allant dans le sens de la réduction des dépenses publiques comme par exemple la suppression de plusieurs fonctions jugées inutiles et surtout concernant les étudiants, la fermeture de plusieurs centres universitaires. Mais le Bénin est un pays pauvre, et les Etudiants viennent d’un peu partout des coins les plus reculés du pays. L’ancien régime en implantant des centres universitaires un peu partout aidait donc les habitants des milieux les plus éloignés des deux grandes universités du pays (L’Université d’Abomey-Calavi et l’Université de Parakou), en leur facilitant l’accès à la formation. La pilule avait eu du mal à passer, on a dû trouver des arrangements en épargnants certains centres. La dernière décision des autorités qui fait polémique vient encore du gouvernement et contraint les Etudiants à payer des frais d’inscriptions. Les Etudiants ne comprennent pas cet acharnement et les autorités de leurs côté n’estiment pas qu’ils ont à comprendre quoi que ce soit, puisque les Etudiants n’ont pas été conviés à la cérémonie au cours de laquelle l’annonce de la nouvelle mesure a été faite. Une démarche vraiment pas trop démocratique. Mais si les autorités choisissent d’écarter les Etudiants à l’annonce d’une décision leur concernant, qui plus est, prises sans eux, peut-être qu’il y a une raison suffisante.

Des Etudiants difficiles à maîtriser

Le Bénin est réputé pour avoir l’une des meilleurs Universités de la sous régions avec des Etudiants capables d’excellents résultats sur le plan national comme international, mais ils sont aussi capables de redoutables actes de violence et de vandalisme dans certaines circonstances. C’est sans doute ce qui explique le sentiment à la fois de crainte et de méfiance que leur portent leurs autorités. Cette situation complexe explique la relation tendue entre les Autorités et les étudiants au Bénin. D’un côté les Etudiants sont continuellement sur le qui-vive attendant le prochain dérapage des autorités pour leur prouver qu’ils ne sont pas du genre à se laisser marcher dessus, et de l’autre côté les autorités cherchent toujours comment soumettre et brider leurs sujets. Une situation qui s’éternise et qui voit toujours toute entreprise de résolution terminer en dialogue de sourds.

Opposition apprenant-autorité au Bénin

Les relations entre les apprenants et leurs autorités depuis quelques années sont devenus compliqués au Bénin quel que soit le niveau où l’on se trouve, qu’on soit au collège, au lycée, à l’école primaire ou autre. Un problème peut-être aux origines culturelles ! Par le passé, au Bénin, la personne de l’enseignant ou toute autre autorité éducative inspirait le respect et représente un modèle. La relation maître-élève, de l’école élémentaire à l’université, se caractérise par un rapport de pouvoir envisagé souvent comme un rapport d’autorité. Conformément à la culture africaine, qui fait de l’âge un critère de valeur, l’autorité de l’enseignant était perçue, au Bénin, comme un prolongement naturel de celle des parents jusqu’en 1990 environ. L’adulte ayant toujours raison, l’autorité exercée par le maître sur l’élève était rarement contestée. Mais à l’Université, l’apprenant devient déjà adulte et est en mesure de décider et de contester une décision qu’il juge abusive de la part de ses supérieurs. L’Etat en est même conscient et appui les Etudiants vu qu’il leur autorise à créer des organisations estudiantines en vue de discussions avec les autorités et éventuellement de manifestations pour réclamer leurs droits. 

Les Etudiants non satisfaits

C’est bien connu, les Etudiants béninois étudient dans de lamentables conditions. Manque d’infrastructures, manque de personnels, manque de moyens etc. Pour trouver de place et assister à un cours à l’Université d’Abomey-Calavi il faut aller très tôt au risque de suivre le cours à travers les fenêtres. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Vu le manque de moyen de la plupart des Etudiants, ils comptent beaucoup sur leurs allocations. Mais malheureusement, leurs bourses et secours mettent tellement du temps à leur parvenir. Et cela est d’autant plus frustrant vu l’effort qu’ils fournissent pour en bénéficier. Le bruit court que les autorités s’emparent des allocations des Etudiants pour tourner leurs affaires et leur payer plus tard avec les bénéfices tirés. On voit donc que les Etudiants se sentent opprimés et exploités. Les Etudiants ont l’impression que les autorités font tout pour leur rendre la vie compliquée sans raisons. L’Etat est incapables de leur construire des amphithéâtres, les prive de leurs bourses et secours et pour couronner le tout, leur demande de payer de « faux frais ». 

Résumons la situation. Nous avons deux parties en conflits : d’un côté les autorités représentées par l’Etat et de l’autre les Etudiants. Les Etudiants accusent l’Etat de leur priver de leurs droits, l’Etat accuse les Etudiants de refuser d’accomplir leur devoir. Vu de cette manière, les choses paraissent simples ! L’Etat n’a qu’à construire les infrastructures universitaires, payer les allocations des Etudiants à temps etc., et de leur côté les Etudiants auront à payer des frais d’inscription, ne pas manquer de respect aux autorités etc. Si seulement c’était aussi simple ! Mais hélas non, parce qu’on ne comprend pas le problème de l’Etat. Le manque d’infrastructure s’explique par la pauvreté du pays peut-être, mais le retard du payement des bourses et secours des Etudiants s’explique comment ? Si ce dernier problème n’existait pas, l’excuse du « pays pauvre » marcherait et les Etudiants n’auraient peut-être aucune raison de se plaindre de quelques frais de scolarité.

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