Effet Matthieu : pourquoi aimons nous donner à ceux qui ont au détriment de ceux qui n’ont pas ?

de l'argent dans une malette

Dans nos sociétés actuelles, vous avez dû constater que les plus riches continuent d’être plus riches pendant que les plus pauvres continuent d’être plus pauvres. Depuis 2016, 1% de la population mondiale détient plus de richesse que les 99% restants d’après un rapport intitulé « Une économie au service des 1% » publié par l’ONG Oxfam. Dans un article publié par l’organisation le 18 janvier 2016, on peut lire : « Selon un rapport publié aujourd’hui par Oxfam, en amont de la rencontre annuelle des élites mondiales de la finance et de la politique à Davos, des inégalités galopantes créent un monde où 62 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Ce chiffre était de 388 il y a cinq ans. ». Donc tout simplement, les plus riches deviennent plus riches et les plus pauvres, plus pauvre. Mais pourquoi ?

Parmi les explications proposées par les spécialistes, j’aimerais vous présenter la théorie de l’effet Mathieu du Sociologue Américain Robert Merton. Robert K. Merton (à ne pas confondre avec son fils Robert C. Merton, Economiste et « prix Nobel » en 1997) est né à Philadelphie dans l’Etat de Pennsylvanie le 4 juillet 1910 aux Etats-Unis. Il est décédé le 23 février 2003 à New York à l’âge de 92 ans. En 1968, Merton publie un article intitulé « The Matthew Effect » dans lequel il cherchait à montrer comment les scientifiques et les universités les plus reconnus tendaient à entretenir leur domination sur le monde de la recherche. 

Article de Robert K. Merton, Effect Mathieu

L’effet Matthieu (Matthew Effect) désigne, de manière très générale, les mécanismes par lesquels les plus favorisés tendent à accroître leur avantage sur les autres. Cette appellation fait référence à une phrase de l'évangile selon saint Matthieu : « Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. » [Mathieu 25 : 29]. Nombreux chercheurs ont par la suite exploité la théorie dans divers domaines comme par exemple Margaret Rossiter qui rapporte dans son article « L’effet Matthieu Mathilda en sciences » cette anecdote : « Dans son autobiographie Enigmas of Chance, le mathématicien Mark Kac décrit le voyage qu’il a effectué en Pologne, en 1980, pour prononcer un discours à la mémoire d’un physicien pratiquement tombé dans l’oubli : Marian Smoluchowski. Cet oubli, Kac l’attribue non pas à sa mort prématurée à l’âge de 45 ans, à la longueur de son nom, ou même au fait que sa carrière s’est déroulée en Europe de l’Est, mais à l’« effet Matthieu » : ses réalisations ont été éclipsées par celles d’Albert Einstein, qui travaillait lui aussi, à peu près au même moment, sur le mouvement brownien. »

Aujourd’hui, on peut constater l’effet Matthieu partout au quotidien. Par exemple sur les réseaux sociaux, un article publié par un journaliste de CNN recevra plus de réaction que s’il avait été publié par un journaliste de l’ORTB. C’est exactement ce qu’il s’est passé récemment dans le cas du scandale de l’esclavage en Lybie. C’est ainsi que les « nouveaux » dans n’importe quel domaine auront toujours du mal à se faire une place car les anciens jouissent d’une « accumulation des avantages ». On a souvent tendance à se rappeler de ceux qui se sont déjà forgé une réputation antérieure dans le domaine. Si l’on vous parle de smartphone maintenant, la première chose qui vous viendra à l’idée sera le nom d’un géant du domaine. Le travail de Merton montre comment fonctionne ce système en mettant l’accent sur comment les plus favorisés accumulent les faveurs. Il ne déplore pas le fait que les défavorisés continuent d’être victimes de défaveurs. Mais on ne va pas le blâmer pour ça ! Robert King Merton est ce qu’on appelle en Sociologie un Fonctionnaliste. Merton suggère même une solution aux « perdants » de tirer avantage de la situation. Pour lui, les défavorisés pourraient profiter de la notoriété des plus connus en communiquant leurs idées à ces derniers. Par exemple, dans le domaine du cinéma, si une maison de production veux profiter d'une autre plus célèbre qu’elle, elle peut collaborer avec celle-ci ou carrément lui vendre un script.

Pourtant, selon Margaret Rossiter, Merton a tort de se focaliser uniquement sur l’avantage des favorisés car se faisant, il occulte la deuxième partie de la phrase de Mathieu : « mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. ». Pour Rossiter, le conseil de Merton est cynique, car se demande-t-elle, comment tirer profit du système dominant au lieu de le changer ! Cela aggraverait même les problèmes moraux, puisque ceux qui ne se sont pas encore forgé une certaine réputation dans leurs domaines se verront systématiquement absorbées leurs réalisations par les géants. Rossiter souligne par ailleurs le bien-fondé de l’appellation « Effet Matthieu » en ces termes : « La recherche postérieure à l’écriture de la Bible confirme le bien-fondé de l’appellation choisie par Merton : on sait en effet que, même si son nom lui a été donné au deuxième siècle, ce n’est pas Matthieu qui a écrit cet Evangile. Il n’a été rédigé que deux ou trois générations après sa mort. ». Matthieu qui jouit de la gloire d’un évangile qu’il n’a jamais écrit, voilà qui illustre bien la situation !

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