En Chine, Dieu est mort après avoir créé le monde

Représentations de Pangu

La Chine est sans doute l’un des pays les plus fascinants au monde de par sa population, son histoire et toutes les particularités qui sont propres à lui. Justement, l’une des particularités du peuple chinois est qu’il a réussi à garder nombres de ses traditions ancestrales contrairement d’autres civilisations. Le nouvel an chinois est un parfait exemple de l’attachement du peuple chinois à ses traditions. Quelqu’un m’a dit un jour que quand on ne contrôle pas son propre calendrier, on ne contrôle rien. Il m’a dit aussi que la Chine a réussi parce qu’elle n’a pas abandonné son propre calendrier pour le calendrier julien. Cela est-il vrai ? Je ne puis répondre, et là n’est même pas le sujet de cet article. Parlons plutôt de la cosmogonie chinoise. Essayons de savoir comment ce pays qui est resté fidèle à ses traditions pense la création du monde.

En Chine Dieu a-t-il créé aussi le monde en sept jours ? Non ! Dans les villages les plus reculés de la Chine, il devrait être rare que les gens aient connaissance du mythe d’Adam et Eve. Comme toutes les grandes civilisations de notre monde, la civilisation chinoise dispose de son propre mythe de création du monde. Si Jéhovah a créé toute chose selon les Juifs, selon les Chinois, c’est du géant Pangu que la vie a jailli.

La légende de Pangu 

Au commencement, régnait le chaos absolu. Il n’y avait que Pangu, un géant qui dort dans un œuf. Un jour, il se réveille. Il n’avait eu besoin d’aucune entité extérieure pour cela. Il s’est réveillé tout seul. Il s’est mis donc à mettre de l’ordre aux choses. Il casse l’œuf. Le jaune de l’œuf devint la terre. Il pousse le blanc de l’œuf vers le haut pour former le ciel. Pendant 18000 ans, il écarta le ciel et la terre. Au bout des 18000 ans, il eut un coup de fatigue, glisse et tombe. Sa chute fut d’une telle violence que son œil gauche éjecté devint le soleil, son œil droite la lune, ses os les montagnes, ses veines et ses artères les fleuves et les rivières, ses poils la végétation, son souffle le vent, sa voix le tonnerre, ses quatre membres les extrémités de la terre, ses cheveux les astres, ses dents les métaux et les roches, sa moelle les pierres précieuses, sa sueur la pluie, et ses poux les hommes.

Les croyances et spiritualités chinoises

Les Chinois ne connaissent donc pas de dieu créateur. Mais pourtant, en Chine il y a des temples et il y a des moines. Cyrille Javary est un spécialiste de la Chine. Guide, il a accompagné une soixantaine de voyages touristiques, qui font de lui un passeur entre les cultures françaises et chinoises. Il est auteur chez Albin Michel d’un grand livre de synthèse sur les fondamentaux de la culture chinoise, intitulé « La souplesse du dragon ». Il nous aidera donc à comprendre un peu plus les Chinois.

Selon Cyrille Javary, la présence de temples et de moines sont des formes extérieures de religion que nous analysons avec des termes qui sont les nôtres car temples et églises pour nous sont des références à un dieu transcendant alors que les Chinois ne les considèrent pas comme tels. Les Chinois ne prient pas. Ils négocient avec des entités surpuissantes en leurs brulant de fausses monnaies. S’il arrivait qu’ils ne soient pas satisfaits, ils demanderont des comptes. Cyrille Javary rapporte une anecdote qui raconte qu’un Chinois après avoir été déçu par une idole revient dans son temple et lui dit « on t’a donné de l’encens, on t’a donné des choses à manger, on t’a repeint en doré et tu ne nous a pas exaucé ? C’est vraiment que tu ne vaux rien ! » Il prend alors l’idole et la traine dans la boue.

Le chamanisme

Le Chamanisme est la première religion de l’humanité, c’est la religion d’avant l’invention de Dieu.
Selon Cyrille Javary, la seule religion chinoise, si on veut parler de religion est la religion laïque impériale, elle s’enracine sur le culte des ancêtres. Et il ne s’agit de rien d’autre que du chamanisme paysan qui arme l’âme chinoise depuis la nuit des temps. Loin d’être la première religion des chinois avant le Bouddhisme, le confucianisme, etc., le chamanisme est la première religion de l’humanité, c’est la religion d’avant l’invention de Dieu. Et comme les Chinois n’ont pas connu ce décrochage qu’ont connu les autres civilisations et qui a amené les dieux créateurs, ils ont gardé ce chamanisme paysan, préhistorique qui est la seule religion actuelle des Chinois et qui se manifeste sous plusieurs formes de superstitions.

Pas d’au-delà

Les Chinois ne croient pas à l’au-delà. Les défunts ne sont pas morts, ils sont allés vivre dans l’invisible. Cela comble le gouffre que les religions de salut creusent entre les morts et les vivants. Pour les Chinois, le flux vital ne peut mourir. Le principe du Yin et Yang régis toute chose : c’est le yin qui va devenir le yang, c’est le yang qui va devenir le yin. En terme climatique cela se traduit par : l’hiver devient l’été, l’été devient l’hiver. Tout cela rend le rapport entre les morts et les vivants apaisé et les Chinois y tirent leur force de vivre. Pour illustrer ce désir de vie propre au peuple chinois, Cyrille Javary cite François Cheng qu’il considère comme le plus grand lettré chinois francophone :
« Nous avons but tant de rosées
   En échange de notre sang
   Que la terre cent fois brulée
   Nous sait bon gré d’être vivants. »
PS : Les propos du sinologue Cyrille Javary que j’ai transcrit ici sont tirés d’une émission de Rfi diffusée en 2014, émission que vous pouvez réécouter en podcast ici : Religions du monde.

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