Fiche de lecture : l'entretien qualitatif en sciences sociales

Entretien qualitatif en sciences sociales

Texte : L’ENTRETIEN QUALITATIF : UNE MÉTHODE DE L’INTERACTION 
Auteur : Christine Schaut 
Nombre de page : 32 

4 méthodes de recherche en sciences sociales 

L’entretien qualitatif : une méthode de l’interaction est la troisième partie du livre 4 méthodes de recherche en sciences sociales : cas pratiques pour l'Afrique francophone et le Maghreb, écrit sous la direction de Jean-Emile Charlier et Luc Van Campenhoudt, paru aux éditions Dunod en 2014. Destiné aux chercheurs en sciences sociales et plus particulièrement aux apprentis chercheurs, le livre explique comment s’y prendre pour mener des recherches de bonne qualité en sciences sociales quand on ne dispose pas suffisamment de moyens financiers et techniques. Le livre met en exergue de manière détaillée quatre méthodes de recherche : l’observation, l’entretien qualitatif, le questionnaire à questions ouvertes et l’analyse en groupe. Intitulé L’entretien qualitatif : une méthode de l’interaction, la troisième partie du livre est consacrée à l’entretien qualitatif. Elle est écrite par Christine Schaut. 

Christine Schaut, l’auteur du texte 

Christine Schaut est titulaire d’un DEA en Economie et docteure en Sociologie. Elle enseigne à l’Université Saint-Louis Bruxelles et y est membre du centre d’étude sociologique de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire sur Bruxelles (IRIB) et du conseil de la politique culturelle. Elle est énormément impliquée dans les activités de l’université. Ses thèmes de recherche portent notamment sur l’analyse de la mise à l’épreuve des politiques de la ville par les agents chargés de les mettre en œuvre et par leurs « bénéficiaires ». Elle dispose à ce jour de plusieurs œuvres à son actif. 

Contexte de la lecture 

Christine Schaut est l’auteur de L’entretien qualitatif : une méthode de l’interaction, sujet de cette fiche. C’est dans le cadre de nos travaux de mémoires que Dr Clarisse Tama, Chef du Département de Sociologie et Anthropologie à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université de Parakou nous a recommandé à moi et à certains camarades, la lecture des parties 3 et 4 du livre 4 méthodes de recherche en sciences sociales. Je consacrerai donc cette première fiche à la troisième partie du livre, avant une seconde fiche qui traitera de la quatrième partie
En tant qu’apprenti chercheur, je tâcherai plus à faire un résumé ou un rapport de lecture qu’un texte où j’apporte mon point de vue sur l’article de Mme Schaut. Je tâcherai par la suite à travers quelques lignes d’exposer mon appréciation, mais cela ne prendra que quelques lignes, et pas plus. 

Résumé 

Dans son texte, Christine Schaut dans l’esprit du livre qui cherche à donner aux chercheurs le moyen d’effectuer des recherches avec des moyens financiers et techniques limités, explique en détail et le plus clair possible comment entreprendre, et mener en sciences sociales, une recherche de bonne qualité avec pour outil de collecte, l’entretien qualitatif. Son travail se base sur ses propres expériences sur le terrain européen, surtout en Belgique et les expériences d’autres chercheurs sur le terrain africains qui travaillaient sur le Burundi, auprès desquels elle a mené des entretiens, elle-même n’ayant pas d’expérience en Afrique. 

Historique de l’entretien comme méthode de recherche 

Christine Schaut commence par rappeler l’emploie de l’entretien dans l’histoire : de ses débuts sous forme d’entretien directif vers la fin du XIXème siècle par les premiers Anthropologues qui alors, découvraient les nouvelles terres à travers des personnes-ressources (souvent des agents coloniaux ou des militaires qui reviennent des terres colonisées), à son adoption par la célèbre école de Chicago, en passant par la formalisation entretemps de l’observation participante par Bronislaw Malinowski, l’abandon de l’entretien qualitatif au profit de l’enquête par questionnaire dans les années 1940, et de son retour en grâce quelques années plus tard grâce aux travaux du Psychologue Carl Rogers. De nos jours, l’entretien qualitatif est intensément utilisé. 

L’entretien qualitatif 

Qu’est-ce que l’entretien qualitatif ? Il existe trois formes d’entretien en sciences sociales : l’entretien directif, l’entretien semi-directif, et l’entretien non directif. C’est ces deux derniers qui constituent l’entretien qualitatif encore appelé entretien compréhensif (je ne vais pas m’attarder sur chacune des formes, puisqu’elles sont très étudiées en amphi). Ces entretiens peuvent par ailleurs être classés en deux types : individuels ou collectifs. Christine Schaut s’intéresse seulement aux entretiens individuels, laissant l’entretien collectif dont le focus groupe à une autre partie du livre. Le principal principe de l’entretien qualitatif, qui s’inscrit dans une démarche compréhensive, est de saisir la réalité sociale du point de vue de l’acteur. Il s’inscrit dans une démarche inductive. Un autre aspect primordial à cette démarche est la contextualisation. Il faut toujours situer la recherche en prenant en compte les contextes locaux dans lesquels se déroule la recherche. 

La double conversion du regard 

Un concept clé de l’entretien qualitatif vient de Bourdieu : la double conversion du regard. Après un entretien qualitatif, l’enquêteur ne perçoit plus l’interviewé de la même manière qu’au début de l’entretien, la perception que l’enquêté de son côté, a de l’enquêteur aussi change. Cela devrait se produire si l’entretien est bien mené. Un entretien réussi génère donc ne serait-ce qu’un petit sentiment d’émancipation chez l’enquêté qui nouera par l’occasion une certaine relation de confiance avec l’enquêteur. 

L’association de l’entretien qualitatif à d’autres méthodes 

L’entretien qualitatif peut-elle être combiné à d’autres méthodes dans le cadre d’une recherche ? La réponse de est oui. Que ce soit une méthode qualitative ou quantitative, l’entretien qualitatif peut bien être associé à elles. On parlera parfois de triangulation. Cette méthode qui consiste à croiser les différentes méthodes afin de relever les différences entre les données recueillis n’a pas pour objectif de prendre en faute les enquêtés qui peuvent parfois affirmer des choses différentes de ce qu’ils font en réalité. Au contraire, il faudra plutôt saisir pourquoi cela, comprendre pourquoi les enquêtés cherchent par exemple à cacher leur vraie nature. 

Durée d’un entretien qualitatif 

Combien de temps doit durer un entretien qualitatif ? Un entretien qualitatif semi-directif prend entre une et deux heures de temps. Un récit de vie qui se rapproche plus d’un entretien non directif prend par contre plus de temps. Dans les deux cas, la longue durée des entretiens ne permettent pas au chercheur de constituer un échantillon représentatif. C’est pourquoi, il faut opter pour un échantillon significatif. Certes, le travail ne pourra pas être généralisé dans ce cas, mais il apportera beaucoup plus de richesse, de profondeur et de flexibilité aux résultats. 

L’échantillon significatif : diversification et saturation 

Deux critères proposés par Glaser et Strauss (1967) permettent de constituer un échantillon significatif : la diversification et la saturation. La diversification, parce que même si l’échantillon ne peut pas fournir des données extrapolable, il faut qu’il reflète tout au moins le plus possible, les différents composants sociologique de la population étudiée. La diversification de l’échantillon implique selon Becker de maximiser les chances de tomber sur des « cas improbables » en brisant la « hiérarchie de crédibilité ». Les cas improbables sont des données qui bousculent les certitudes scientifiques du chercheur. La hiérarchie de crédibilité est l’ordre préétablit de la population étudiée, en matière d’importance de chaque acteur. Il faut la briser en donnant la parole surtout aux acteurs les moins importants de la hiérarchie de la population. Parce que pour Becker, les personnes situées en haut de l’échelle de la hiérarchisation ont tendance à ne pas tout dire ou très peu, compte tenu des enjeux entre autres politique, ou simplement parce qu’ils ne savent pas tout, alors qu’ils prétendront le contraire. 

Hughes quant à lui, toujours dans le souci de diversification de l’échantillon propose de « décaler le terrain ». Décaler le terrain, non loin des recommandations de Becker consiste à, dans une démarche interactionniste, essayer de comprendre comment les autres le perçoivent. « Si vous voulez étudier le plombier, consultez son plombier. Si vous voulez vous renseigner sur la prostituée, interrogez l’infirmière qui la soigne. » (Schaut cite Becker à son tour cité par Tripier). 

Autres recommandations pour la constitution d’un échantillon significatif : 

- Procédé au découpage spatial et temporel des acteurs, puisqu’on ne peut pas voir en permanence tous l’ensemble du terrain. 
- Eviter l’illusion descriptive 
- Eviter les « décrochages interprétatifs trop hâtifs » selon Lahire. 
-Prévoir à l’avance des stratégies d’accès aux acteurs, parce qu’il n’est souvent pas facile d’y parvenir. 

La saturation, deuxième critère d’un échantillon significatif est atteint lorsqu’au cours de l’enquête, les réponses recueillies ne varient plus, n’apportent plus de nouvelles connaissances. Il n’existe pas de chiffre magique pour le seuil de saturation. Tout dépend du terrain. Parfois, certaines recherches s’arrêtent même avant d’avoir atteint le seuil de saturation pour diverses raisons. Dans ce cas, il faut le préciser lors des analyses. 

Le guide d’entretien 

Le guide d’entretien ne doit pas consister en une série de questions pré élaborées à administrer aux enquêtés. L’entretien étant une conversation entre l’enquêteur et l’interviewé, le guide d’entretien tâchera juste de mentionner les thèmes principaux autour desquels s’articule la recherche. Afin de bien démarrer l’entretien (ce qui est primordial), il est important de fixer à l’avance une question introductive. Cela devrait être le cas pour chaque thème de l’entretien car il est important de bien les aborder afin d’en tirer le plus d’information possible. 

Déroulement de l’entretien 

Lors de l’entretien il faut s’intéresser plus au « comment » qu’au « pourquoi ». Cela permet de savoir, selon Becker pourquoi quelque chose est devenu possible. Le « comment » apporte beaucoup plus d’information et se focalise moins sur l’individu, ce qui lui permet d’être plus ouvert. Le « pourquoi » par contre semble le juger, ce qui le rend moins productif. 

Il faut bien maitriser le guide d’entretien. L’entretien qualitatif apportant plus de flexibilité à la recherche, le guide d’entretien peut donc évoluer avec le temps, mais il doit être stabilisé à un moment donné, mais pas au début de l’enquête. 

L’étape de présentation au début de l’entretien est cruciale. Il faut veiller à se présenter et à présenter le sujet de la recherche de manière à rendre l’enquêté disposé à vous répondre. Pour cela, si le sujet peut contrarier l’interviewé par exemple, il faut procéder par une euphémisation du sujet. 

L’empathie est une capacité nécessaire à l’enquêteur. Il faut une aptitude à l’écoute pour mener à bien un entretien, il faut être disposé à dévoiler un peu de soi-même, afin de mettre l’interviewé dans les conditions de se livrer à son tour. 

Mais un problème se pose. Comment doit réagir l’enquêteur quand il estime que les propos tenus par l’interviewé sont déplacés et inappropriés ? Doit-il procéder à une « rupture d’empathie » en exprimant son désaccord à l’enquêté de manière respectueuse ? Ou doit-il mettre de côté son éthique et tout encaisser dans un souci purement scientifique ? Christine Schaut estime que la réaction de l’enquêteur face à une telle situation est avant toute chose personnelle. Elle précise toutefois préférer une rupture d’empathie qui dans une certaine mesure permet au contenu de l’entretien de gagner en qualité, puisqu’en exprimant son désaccord à l’enquêté, l’enquêteur peut le contraindre à se dévoiler. 

Les caractéristiques sociales et biologiques de l’enquêteur peuvent avoir de l’influence sur l’entretien. Elles peuvent rapprocher ou distancer l’enquêteur de l’enquêté compte tenu de l’identité culturelle, sociale, générationnelle, nationale, de genre, des deux interlocuteurs, et aussi du sujet abordé. Il est nécessaire de mentionner les incidences qu’ont eu ces situations dans le rapport et l’analyse des conditions d’enquête. 

Il faut veiller à bien conclure l’entretien. Si cela est possible, il est intéressant de faire un second entretien avec les mêmes enquêtés. Cela permet d’affiner les données et d’apporter plus d’épaisseur et de réflexivité. Il n’est toutefois pas indispensable. 

L’analyse des données 

L’analyse des données d’un entretien qualitatif permet d’en dégager des connaissances. L’une des opérations d’analyse est de saisir la cohérence interne de chaque entretien. Quand faut-il commencer l’analyse des entretiens ? Au fur et à mesure de leur retranscription répond Schaut. Deux opérations sont appliquées pour les analyses : l’analyse interne et la comparaison des entretiens thème par thème. La première opération consiste donc à chercher la cohérence interne, en relevant les logiques et les liens entres les thèmes de la recherche au sein de chaque entretien et en notant ses analyses ou ses intuitions lors de la transcription partielle ou intégrale de chaque entretien. La deuxième opération consistera quant à elle à comparer thème par thème entre elles les contenus des différents entretiens afin de dégager les points de vue de l’ensemble des interviewés et de comprendre les liens qui les unissent. 

Une autre mode d’analyse vient de Becker : l’induction analytique. Becker propose de procéder à des analyses cas par cas, entretien par entretien, à la recherche d’un « cas négatif ». Le cas négatif infirme les explications du chercheur, lui obligeant à retourner sur le terrain. Cela lui permettra soit de réajuster sa théorie, soit de la complexifier. Ce mode d’analyse préconise le va-et-vient entre le terrain et l’analyse des données. 

Sur la question de la place des théories dans l’analyse, Shchaut préconise une « relation dialogique » entre les deux. Le terrain doit guider, mais les théories ont aussi leur mot à dire. Il faut éviter l’ « empiricisme ». Les théories doivent aider à rendre plus intelligible les analyse du chercheur. 

Comment rendre compte des entretiens et de leur richesse ? L’écriture scientifique ne pouvant pas se limiter à une retranscription des entretiens, la question se pose. Deux possibilité s’offre alors au chercheur : soit il choisit de retranscrire l’intégralité des entretiens accompagnés de leurs analyse, Comme l’a fait Bourdieu dans La misère du monde, soit il choisit de ne citer que quelques extraits dans son travail. Il est aussi possible de les annexer en fin de son rapport. 

Pour finir, il est important de faire l’enquête de l’enquête. Cela consiste en une analyse des conditions de l’enquête. Il faut prendre note des conditions dans lesquels se sont déroulés chaque entretien. 

Mon appréciation 

Ce texte qui présente en détail le déroulement d’une recherche en sciences sociale grâce à l’entretien qualitatif mérite d’être lu. Il devrait être recommandé à tous les apprentis chercheurs en sciences sociales surtout pour sa clarté. Apportant des réponses à presque toutes les questions que peuvent se poser les Etudiant sur le sujet, il constitue de ce fait un véritable texte de référence sur l’entretien qualitatif. Un autre texte s’inscrivant dans ce registre est L’enquête socio-anthropologique de terrain : synthèse méthodologique et recommandations à usage des étudiants, de Jean-Pierre Olivier de Sardan (on peut même parfois avoir l’impression de lire le même texte sur certains passages). Bien que ce dernier soit aussi très riche et couvrant toute la question, le texte de Christine Schaut aura le mérite d’être plus concis, et plus spécifique, parce que se consacrant uniquement à l’entretien qualitatif.

Christine Schaut pour conclure son texte, s’écarte un peu de l’aspect méthodologique et évoque les implications des politiques dans le processus de recherche en Afrique. En s’appuyant sur l’exemple du Burundi, elle dénonce le financement répété de recherches sur les mêmes sujets, et la non cumulation des résultats. Elle regrette le caractère fragmenté et la superposition des recherches au service des bailleurs qui n’ont que faire de l’aspect scientifique des travaux. Cette partie je n’ai pas voulu le mentionner dans le résumé parce que je priorise l’aspect « méthodologie » du texte. Mais cette remarque de Schaut mérite d’être pris au sérieux parce qu’elle dénonce effectivement un problème crucial du milieu scientifique africain très mal organisé, ou même pas du tout. A part le problème de superpositions des recherches, on peut aussi évoquer le manque de numérisation des travaux. 

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